Une place oubliée pour le premier festival de théâtre Nord-Sud


Image: Yonhap News Agency

La Corée a plus de 500 ans de spectacles
vivants en commun : des danses issues de cérémonies chamaniques aux danses
de Cour, des musiques sacrées provenant des temples bouddhistes à leurs
parodies par les sadangpae,  troubadours
du peuple et les chants narrés par les soriggun… Toute cette culture qui a
été menacée, censurée, oppressée sous la colonisation japonaise (1910-1945) et
qui a failli disparaître.

Si le Sud essaie d’en restaurer une grande
partie pour plaire aux vieilles générations et aux touristes, la culture
traditionnelle a tout de même largement laissée place aux comédies musicales à
l’Américaine dans le quartier brûlant des théâtres superposés dans des
buildings, appelé rue de l’université (Daehagno).

Quand au Nord, il choisit ce qui l’arrange sur
la carte culturelle. Ce qui a la chance d’être considéré comme étant
« encore au goût du jour » peut avoir sa place sur quelques scènes de
Pyongyang. En revanche, le reste passe sans hésitation aux oubliettes pour
laisser place à des œuvres tape-à-l’œil sur la révolution anti-japonaise.

Les idéologies qui se tournent le dos
pèsent sur la culture depuis 62 ans, après pourtant plus de 500 ans de création
commune. Que faut-il donc faire pour que les artistes remontent sur scène
ensemble en n’étant plus « du Nord » ou « du Sud » mais
juste artistes ? Faut-il vraiment attendre une réunification
« impossible » les bras croisés ?  Et pourquoi faut-il attendre encore alors que
la scène est le lieu même où l’impossible n’existe pas ?

Focus sur un projet qui a voulu changer ce
« blocage culturel » :

La programmation de la 27ième édition du
Festival de Théâtre de Séoul était prometteuse. Des artistes Nord Coréens invités
officiellement devaient présenter sur le grand plateau du théâtre Arko leurs
plus fameux opéras révolutionnaires tels que « Seonghwangdang », « Une
lettre de ma fille », etc.

Le festival dans le festival a pris le nom
rêveur de « Festival de Théâtre Séoul-Pyongyang », tantôt appelé
aussi « Festival de Théâtre Pyongyang-Séoul » pour prôner l’égalité et
éviter les jaloux. Ce deuxième titre serait plus justifié puisque la première
partie du festival devait se dérouler à Pyongyang les 23 et 24 septembre 2004.
Le Nord invitait l’association Sud Coréenne « Printemps de la Réunification »
(association militante pour la commémoration du pasteur Moon Ik Hwan) pour
y jouer l’opéra « Geumgang » dans un théâtre de Pyongyang. L’opérette
est une création sud coréenne inspiré de la poésie de Shin Dong Yeob, retraçant
l’histoire d’un couple d’étudiants lors de la révolution anti-japonaise. Mise
en scène par Kim Seok Man, professeur à l’université nationale des Arts de
Corée.

Les négociations auront pris plus de temps
que prévu. La troupe est finalement monté sur la scène du théâtre de Bonghwa à
Pyongyang le 16 juin 2005, pour la clôture du « Grand festival de la
réunification du peuple ». Elle reçu un tonnerre d’applaudissements du
public Nord Coréen, qui voyait pour la première fois des acteurs du Sud en
chair et en os. Le spectacle a ensuite été présenté gratuitement du 28 au 29
juin 2005 au public Sud Coréen au centre culturel de Ansan.

Côté Sud, un comité spécial pour la promotion
du Festival de Théâtre Séoul-Pyongyang est mis en place et dirigé par Roh Kyeong
Sik, dramaturge. Une commission mixte pour la réalisation du festival était
également en train de voir le jour.

Il y avait été décidé que des troupes
d’artistes et dramaturges Nord Coréens viendraient à Séoul pour la 27ième
édition du Festival de Théâtre de Séoul. En plus des représentations, il devait
y avoir des séminaires de recherches comparatives sur les théâtres du Nord et
du Sud avec des spécialistes des deux côtés.

Roh Kyeong Sik défendait son idée comme
« un échange humain de et par les gens de théâtre de Séoul et Pyongyang. Par
les échanges culturels, nous pouvons mener à la coopération et la réconciliation.
C’est dans cette pure intention que nous créons le Festival de Théâtre
Séoul-Pyongyang. »

Malgré ses arguments et ses intentions
citoyennes, indépendants de toute politique de propagande, le projet de Roh Kyeong
Sik et de deux peuples de théâtre n’a toujours pas vu le jour. A cause des
tensions politiques, les dates ont été repoussées à plusieurs reprises, jusqu’à
l’abandon du projet au fur et à mesure que le temps passe…

Selon le professeur Min Byeong Ouk, chercheur
sur le théâtre nord coréen qui devait participer au projet : « le festival
est bloqué dans un labyrinthe éternel ».

A la place, « Le premier colloque de théâtre
Nord-Sud » a eu lieu fin 2004. Au programme, des professeurs uniquement Sud
Coréens présentent des recherches telles que « Différence et distance
entre les théâtres nord et sud coréens ; vers le rapprochement »
(Jeon Yeong Seon), « Le théâtre nord coréen vu à travers l’opéra
révolutionnaire Seonghwangdang » (Park Yeong Jeong) et « Les échanges
culturels Nord-Sud et la formation d’une communauté culturelle » (Im Chae
Ouk). 

En espérant que ce genre de colloques
puisse se perpétuer jusqu’à la mise en place de la réunification.